L' amour incommensurable d'Elisabeth de la Trinité pour le Christ

 Introduction 

  Fin mars 1906, Elisabeth de la Trinité entra à l’infirmerie du Carmel de Dijon. En méditant l’Evangile de Jean  au chapitre 13, le dernier discours de Jésus, lors de sa passion, elle découvrit que dans la souffrance, elle pouvait s’unir au Christ. Le 9 novembre 1906, après 9 mois d’agonie, la maladie d’Addison eut raison d’elle. Sur son lit de  mort, ses dernières paroles furent :" Je vais à la lumière, à l’amour, à la vie.”. Séduite par Dieu Trinité, elle consacra  sa brève vie mais intense à l’honorer, à le servir. Lors de la béatification de cette carmélite, le 25 novembre 1984,  le Pape Jean Paul II déclara : “ J’ose présenter cette jeune fille qui avait 20 ans en 1900 à Dijon, cette religieuse qui  est morte dans son carmel, parce qu’elle est un témoin éclatant de la joie d’être enracinée dans l’Amour.” Comment expliquer l’ascension fulgurante de cette sainte dans le cheminement de la foi ? Pourquoi sa spiritualité rayonne-t elle autant sur la chrétienté d’aujourd’hui ? C’est ce à quoi les deux parties de ma réflexion tenteront d’y répondre. 

 1. La personnalité et les écrits d’Elisabeth. 

 

 1.1. Les éléments marquants de sa personnalité et de ses écrits. 

 D’abord ce qui frappe au premier abord, c’est son tempérament passionné. Elisabeth était sujet à des accès de  colère. Elle pouvait même se montrer violente. En effet, Elisabeth savait ce qu’elle voulait et le faisait savoir. A huit ans déjà, elle exprima sa vocation : son désir d’être religieuse. Un vœu qu’elle fit part au Chanoine Angle, curé de Sainte Hilaire dans l’Aude. Sa mère madame Catez, intuitive, connaît la volonté ferme de sa fille. A la fois douce et sévère, elle s’emploiera à aider son enfant, à apprendre à dominer son caractère impétueux. La sensibilité  d’Elisabeth s’exprimait aussi à travers la musique. C’est une surdouée du piano qui jouait pour Dieu. Le piano se faisait confident, et jouer pour la jeune fille, devenait une prière. Comme en témoigna son amie Alice Chervau :« Quand Elisabeth faisait de la musique, c’était pour elle une prière. Elle disait : "Quand je ne peux plus prier, je joue, c’est pour le bon Dieu ». Quand on parcourt la biographie d’Elisabeth de Dijon c’est ce contraste étonnant entre cette sensibilité à fleur de peau et cette maturité exceptionnelle qui se dégage de son être. Consciente de ses faiblesses, Elisabeth faisait des efforts pour lutter contre l’impétuosité de son caractère. Lucide, elle comprenait qu'elle pouvait compter sur l'aide de Jésus et sur la prière, pour achever en elle ce travail. C’était une fille touchée  par la grâce et l’amour du Christ. En effet, Elisabeth dut faire face à des déchirements, des périodes douloureuses  dans sa vie. Le départ de sa sœur qu’elle considérait comme sa seconde mère, la mort de son père dans ses bras, tout en l’affectant, affermirent un peu plus sa maturité. Face à ses souffrances, elle exprimait toujours sa joie d’aimer et d’offrir. Inlassablement tourné vers Dieu et les autres, elle laissait peu apparaître le combat intérieur qui était en elle. Elisabeth a laissé peu d’écrits. La prière “O Mon Dieu, Trinité que j’adore “ qu’elle nous offre ne  peut laisser indifférent. Cette prière, à elle seule, nous éclaire sur celle qui a toujours voulu que son âme soit habitée par la Trinité, le grand mystère des Trois Personnes divines. Ses poésies nous éclairent avec originalité, sur les  traits de sa personnalité. Ses trois cent quarante-six lettres montrent une autre dimension de son être qui s’exprime par son humanité, son charisme pour les autres. Patiente et aimante envers sa mère qui lui refusa la permission  d’entrer au Carmel, son désir ardent du christ, tels sont les thèmes de son Journal rédigé de janvier 1899 à janvier 1900. Ce qui est remarquable c’est que ses écrits s’inspirent de plusieurs sources. Son œuvre est autobiographique. Ce qu’écrit Elisabeth n’est jamais trop éloigné de ce qu’elle vit quotidiennement. Elle a vécu dans un milieu  bourgeois et militaire. Ce milieu ambiant a apporté à Elisabeth un bon niveau intellectuel. Elle fit de nombreux  voyages qui lui ont permis de rencontrer beaucoup de personnes de divers horizons. Le Conservatoire qu’elle a  fréquenté est une donnée négligeable quand on connait l’importance de la musique dans son itinéraire spirituel. L’appréhension du mystère dans l’église de sa paroisse, enrichie par des conférences ou des retraites organisées par les Pères Jésuites, la découverte du “Chemin de Perfection” de Thérèse d’Avila dans la petite bibliothèque de sa mère a développé sa connaissance théologique et doctrinale. Concernant les Ecritures Saintes, Saint Jean et Saint Paul en sont ses référents. La forme de ses productions écrites attire aussi l’attention. La particularité est qu’Elisabeth respecte peu les codes qui régissent un écrit structuré. Cependant, elle a une manière bien à elle, de sensibiliser, à susciter l’adhésion à ce qu’elle veut exprimer. C’est pour cette raison que son œuvre la classe parmi les auteurs dits de sagesse. Œuvre dont laïcs, prêtres et consacrés en sont les destinataires. Dans sa correspondance, le Chanoine Angle, précédemment cité, apparaît comme celui qui l’a “coaché” sur son itinéraire spirituel. L’abbé  André Chevignard, son frère spirituel et Mère Marie de Jésus, la fondatrice du Carmel, Mère Germaine de Jésus,  et les laïques Françoise de Sourdon, Marie Louise Morel sont les personnes avec lesquelles entretenaient une  correspondance régulière. 

 1.2 L’apport sur la spiritualité d’aujourd’hui 

 C’est une Sainte reconnue par l’Eglise catholique. Sa béatification le 25 novembre 1984 et sa canonisation le 16 octobre 2016 en témoignent. Son itinéraire spirituel ne peut laisser indifférent la chrétienté d’aujourd’hui. Dans un monde où l’homme est de plus en plus sollicité par tout ce qu’il l’éloigne du Christ, Elisabeth de la Trinité nous redonne espoir. Elle témoigne avec beaucoup de pertinence et avec un cœur enflé d’amour que la vie avec le Christ, n’est pas une fiction. Elle nous convie à répandre le message d’amour divin en s’oubliant un peu soi-même  pour se mettre au service des autres. Quel que soit la nature de notre engagement pourvu qu’elle soit en adéquation avec vérité de la Sainte Ecriture, cela plaira à Dieu. Comme disait sa sœur spirituelle, Sainte Thérèse d’Avila, quand  elle s’adressait à ses moniales : “Faites ces petites choses qui plaisent à notre Seigneur”. Elisabeth nous  communique une véritable leçon de vie. Elle ne se plaignait jamais des malheurs qui ont jalonné son parcours. Bien au contraire ! Ses souffrances contribuèrent à l’élever dans la sainteté. Aimer, toujours aimer était la réponse  qu’elle apportait. Elle réussissait toujours à positiver même quand des évènements douloureux frappaient à sa  porte.

 

 2. La spiritualité d’Elisabeth (synthèse 3 à 6) 

 En hébreu, Elisabeth signifie “ la Maison de Dieu”. C’est le centre de sa spiritualité. Cette sainte s’est fortement  inspirée des écrits pauliens. En effet, c’est dans une épître de Saint Paul qu’elle découvre sa vocation qui est une “  louange de gloire” à Dieu et en 1904, elle écrit cette prière qui commence par “ O mon Dieu Trinité que j’adore...”. L’itinéraire d’intériorité d’Elisabeth de Dijon trouve également son enracinement dans les œuvres des grandes  figures carmélitaines et charismatiques, contemporaines d’elle. On peut citer le Château intérieur de Thérèse  d’Avila, le Cantique Spirituel et Vive Flamme d’Amour de Saint Jean de la Croix et la Vie d’une Ame de Sainte Thérèse de Lisieux. Deux mystiques Jean de Ruysbroeck et Angèle de Foligno marquèrent aussi de leur empreinte, le parcours spirituel d’Elisabeth de Dijon. Elisabeth développe une théologie appelée “l’habitation de la Trinité”  c’est à dire qu’elle croit en la présence du Christ en elle1« C'est ce qui a fait ma vie, je vous le confie, un ciel anticipé  : Croire qu'un Être, qui s'appelle l'Amour, habite en nous à tout instant du jour et de la nuit et qu'Il nous demande  de vivre en Société avec Lui » Elle a toujours été à la recherche de Dieu et à dix- neuf ans déjà, elle confiait à une  amie “ Il me semble qu’il est là”. Elle confirmera plus tard cette présence de Dieu en elle par ces mots “ Dieu en  moi et moi en Lui”. Comment sa spiritualité se traduit-elle ? Tout d’abord Elisabeth prétend qu’il est possible de  vivre avec Dieu. Pour cela, il est nécessaire de pratiquer l’ascèse du silence. En quoi consiste cette ascèse ? Il faut  que la personne se déconnecte de tout ce qui fait obstacle à la communication avec Jésus Christ. Cela ne signifie pas que le croyant se sépare des réalités extérieures mais que sa relation avec Dieu se fasse dans la solitude. C’est  de cette façon que le chrétien devient le trône de la Trinité. Le Saint Esprit en ce sens est plus dynamique dans le  centre de l’âme. La personne de vient plus réceptive à la Parole divine. Pour Elisabeth, seul l’amour pour le Christ  et pour le prochain est important. Peu de temps avant sa mort, elle confia : “ A la lumière de l'éternité, l'âme voit  les choses au vrai point. Oh ! comme tout ce qui n'a pas été fait pour Dieu et avec Dieu est vide. Je vous en prie, marquez tout du sceau de l'amour. Il n'y a que cela qui demeure.» Elle oriente cet amour vers la Trinité conformément à la parole de Saint Jean2. En pleine agonie, elle dira : “Au soir de la vie tout passe, l'amour seul  demeure. Il faut tout faire par amour. Toute sa vie sera une “ Louange de gloire à Dieu” après qu’elle ait lu le  passage de l’Epître de Saint Paul aux Ephésiens3. C’est un hymne à la beauté et à la perfection de Dieu. Cette  recherche de la perfection dans l’amour du Christ passe par le don de soi. Il faut se dépouiller, sortir de soi pour pouvoir adorer et contempler Dieu. Sa dévotion au Christ l’incite à le ressembler. Elle voit dans la maladie d’Addison qui consume inexorablement sa vie comme un rapprochement aux souffrances du Christ. Considérant aussi que la Vierge Marie l’a guidée toute sa vie, Elisabeth prie l’Immaculée Conception et lui développe une  dévotion. 

1 2 Corinthiens 6:16 

2 Evangile selon Saint Jean14,23 

3 Epître aux Ephésiens 1: 6-14

3. Conclusion 

  Ce parcours pourrait faire penser que la vie d’Elisabeth n’a pas été un long fleuve tranquille. Qu’en est-il  exactement ? Je pense que cette sainte n’aurait pas été d’accord avec cette opinion. En effet, le combat de sa vie  avec la maladie, les périodes de déchirements suite à la perte d’êtres chers ont été au contraire, comme dit Saint  Jean de la Croix, des “blessures délicieuses” qui exacerbèrent l’amour d’Elisabeth pour le Fils de Dieu. Son union  sponsale avec le Christ s’enracine dans une vie d’ascèse, de mortification, d’oraison qui étaient pour elle, un passage  obligé qui permet d’accéder à Dieu

Bibliographie 

1.Juliette BORDES, Elisabeth de la Trinité, cours de Certificat de Spiritualité 

 2. Elisabeth de la Trinité, Œuvres complètes, Édition critique réalisée par le P. Conrad De Meester, carme.  Préface du cardinal Albert Decourtray archevêque de Lyon, Editions du Cerf, Paris 1991. 

3. Sainte Thérèse d’Avila, chemin de Perfection 

 4. Le Pape Jean Paul II, Béatification de Sainte Thérèse de la Trinité, 25 novembre 1984

5. Saint Jean de la Croix, Cantique Spirituel

 

Date de dernière mise à jour : 02/03/2024

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